Versets Oniriques-8
14 Juillet 21H00 (Arlésienne -'Elle')
Je venais d'arriver à Paris . Je fuyais un coin de brume où le goémon dispute au varèche , quelques fées dansant sur les landes désertes , sous le regard guoguenard de pierres païennes ; J arrivais en terre inconnue me promettant l' aventure . Le salaud que j' aimais m'avait quittée pour une autre . Si mon coeur avait la gueule d'une loque humide...qu'importe , j'en avais vu d'autres , je survivrais.... . Je pouvais enfin secouer ma vie , rompre avec une trop longue habitude : celle d'être aimée pour soi... . Les larmes , ça n'attire personne , comme disait grand-mère dans sa cuisine , en me préparant une tasse de café bien noir tandis que je reniflais dans mon mouchoir et qu'elle me transmettait un avis éclairé sur la question :-" il te reviendra bien un jour si vraiment c'est ton âme-soeur...... , en ce cas , ils reviennent presque toujours...les hommes , en attendant amuse toi ma douce , profites , tu veux tout de même pas finir vieille fille comme ta tante Henriette , hein ?! ". Y'a pas à dire , elle savait s'y prendre pour vous remonter le moral grand mère , avec ses trois divorces , ses sept enfants , ses arrières -petits-fils et fillettes et son Jacques-Émile qui lui tournait autour malgré son âge avancé . J'avais donc mis le cap sur la ville lumière pour en découdre , sans regrets .
Un soir , lasse de trop de coucheries sans lendemain , je sortis rôder par les rues tentant de d'exorciser mes erzats d'amour . Assise , haute perchée sur le tabouret d'une discothèque en vogue ,la jambe gainée de bas de soie , tendue à rompre , je sirotais mes bulles : gin-fizz - tequila , faut c'qui faut . Un type genre 'latino-mystère' chaloupa vers moi... .
Ma faim reconnut d'instinct , une proie pour ma soif de sexe : le genre dragueur- beau-gosse façon kleneex . Je laissais venir..... la curiosité , c'est mon point faible . Si l'envie se présentait et qu'il me fasse rire , j'étais preneuse .... : la bagatelle quand on contrôle , ça a des avantages . Il était séduisant....: verbe haut , regard pénétrant , bien fait de sa personne . Au bout d'un moment , passé le baratin d'usage , sa main s'égara sur le galbe de ma cheville remontant lentement vers l'arrondi de mes genoux croisés : peau brune sur ton gris-souris ... . Je me rebiffais pour la forme: " vous me touchez je crois...qui vous dit que j'aimais les caresses ....?", comprendé ! . Ma voix légèrement cassante figea son geste un peu plus haut sur le début de mes cuisses . J'avais la situation en main , ça devenait drôle.... . Il n'osait plus bouger s , es doigts gardant sa paume à la chaleur de ma peau . Je me levais et lui sortis le grand jeu : trois pas de danse avec lui ,mes ongles effleurant sa nuque sans la musique , juste mon corps collé au sien: le début d'un flirt... .
Par la suite , On se revit deux où trois fois , toujours en public , toujours au même endroit dans cette atmosphère saturée de musiques et de vapeurs d'alcool , de bruissement d' étoffes et de volutes de fumée .
Nôtre relation prenait peu à peu un tour plus enjoué , poivrée par le silence des lèvres qui se cherchent , des langueurs qui s'émeuvent....mais il s'attendait trop à ce que j' offre ce quelque chose de moi plus conséquent encore que la folie des draps moites de les chambres d'hôtels . Je l'avais subjugué , je me rendait inaccessible , un peu moins disponible histoire de voir ce qu'il me voulait vraiment , à part le cul . Ensemble , nous rejouillons la fable de la mangouste et du serpent : je voulais à tout prix le séduire sans cesser de plaire aux autres hommes, lui , il désirait m'accaparer toute entière . Rassurée sur moi même , je finis par m'ennuyer...: je me lassais de nos joutes érotiques , prenant conscience avec acuité qu'à travers lui , j' avais besoin d'un autre , un autre que je définissais comme mon" inaltérable" : un alter-égo...malgré moi , un miroir de moi même qui s'essayait sans doute à d'autres bras tandis que je déclinais un peu plus chaque soir avec , planquée au fond de moi , l'inavouable espérance puérile de sa venue...... qu'est-ce que je pouvais être conne ... ! . Lui , blessé par cette âpre mise à distance , fît , de me suivre pas à pas , son obsession . Jour après jour , Il s'enhardit à dénicher mon adresse , à me submerger de lettre , à me saturer d'appels téléphoniques ..... je prîs peur .
La mangouste sous-estime parfois la vélocité du serpent dans leur ballet mortel . J' emménageais provisoirement chez une amie , le temps de calmer le jeux , en vain . Comme par enchantement simple , il reniflait mon odeur dans le vent de la ville Je l'aperçu plusieurs fois à la sortie du métro lorsque je quittais mon travail , le voyant s'engouffrer précipitamment dans les escaliers chaque fois que je tentais de l'approcher , un calvaire . Enfin aux petites heures d'un dimanche falot , il sonna à l'interphone . Je devais de l'affronter , malgré ma crainte , pour en finir . Je traversais le pavé d'une courre intérieure pour lui ouvrir les vantaux de la lourde porte en bois du bas de mon immeuble , il surgit alors de l'ombre du porche tel un diable à ressorts de sa boîte . Il me plaqua une main sur ma bouche , m'attira sous une voûte , me gifla à la volée , me déchira ma robe , m' arracha mes dessous....; effrayée , pantelante , je m'attendais au pire : qui pouvait donc empêcher ce colosse furieux de mener à bien sa besogne ! ....?
Est-ce de me voir immobile , livrée à son ardeur ? ou bien est-ce mon regard de cheval fou comme traqué.... , cerné par les loups, exprimant l'horreur de mon impuissance....qui sauvèrent mon honneur ..?! . Il suspendit son acte , foulant de ses semelles mes vêtements épars à même le sol .
Il me toisa de bas en haut , de haut en bas , le regard méprisant , contemplant l'étalage de ma chair nue offerte à la vindicte d'une populace imaginaire , furieusement concupiscente . Sans un mot , avec au coin des lèvres un rictus de papillon mort , il fît demi-tour puis s'éloigna à grandes enjambés , me laissant seule face au vide vertigineux de mes émois : je tremblais mais j'étais sauve .
Peu à peu , les choses rentrèrent dans l'ordre , les acteurs dans leurs rôles et les jours dans leur quotidien .
De lui , plus aucune nouvelles , je n'en entendais plus parler . Je gardais néanmoins Les lettres
qu'il m' avait envoyé pour on ne sait qu'elle usage à défaut de réponses tangibles à mon questionnement intérieur ......;
Dans l'une de ses missives , il m' avait écrit avec un feutre rouge sur le haut d'une page:
"Sur cette feuille blanche immaculée , les traces de sang qui s'égoutte sont bien celle d'une blessure" puis en dessous à l'encre noire :
-"Dés le début , on sait que l'on va laisser une part de sa peau dans la partie , point de suspense puéri , tout est joué , le catafalque est dressé.....mais , persistera toujours en moi , une vieille tendresse adolescente pour les cocus de l'Éden.....et un parti pris absolu pour les fractures , tout cela formant le lot naturel des hommes de la ligne droite ; la musique de notre squelette , si raclé soit-il, me surprendra toujours . Vous avez lu Rilke ?: "Sait-on jamais pourquoi l'on pleure ."
Quand j'étais petit , je détestais tout ; Je haïssais mon père , un gros brun à moustaches exhalant la sueur et le tabac de pipe ranci .Il travaillait dans l'administration des parcs à bétail et rentrait ses vêtements imprégnés de la peur des bestiaux .Il racontait des plaisanteries où l'on égorgeait des moutons , des taureaux et des porcs . J'ai toujours exécré depuis , la vue et l'odeur du sang . La première fois que je vous ai vu , j'ai compris que je ne rêvais pas : par contraste , votre présence me le confirmait . Ma vieille vie , à l'image de cette ville,était aussi dépravée et misérable que mon histoire . J'ai su que sans vous,désormais , il ne me resterait plus que' l'ivresse ', la musique et l'alcool : les antichambres de ma mort qu'il m'est difficile d'oublier sans votre aide . Vous bousculez mes émotions , vous êtes sans doute de celles qui réussissent tout ce qu'elles entreprennent... ; Entreprenez-moi donc ! , de crainte que je ne vous y contraigne , poussé par l'éprouvante et libératrice intensité de vie qui s'attache à votre personne . Vous me jugerez plus tard , pour l'heure, je vous attends ."
Lorsque je les avait relues , je m'étais dit qu'il faudrait brûler toutes ces lettres et puis aussi toutes les photos de moi dans la boîte à chaussures et que ça n'y changerait rien : la mémoire ne brûle pas , elle reste vierge et les souvenirs s'enfuient ou me consument ....... mais je suis guérie à présent , un peu grâce à lui : je n'attends plus rien de personne , enfin...je crois .